« La perception du risque pays doit être revue pour refléter la réalité du terrain »
Inscrit au programme de la première journée de l’Assemblée pour le développement économique de l’Afrique dont le but est de soutenir la campagne de reconstitution des ressources de l’Association internationale de développement (IDA-21), le panel « repenser la dette : des solutions innovantes pour accélérer le développement » a été coanimé ce mercredi 9 octobre par le ministre ivoirien des Finances et du Budget, Adama Coulibaly, son homologue de l’Eswatini, Neal Herman Rijkenberg ; le co-fondateur de Global Citizen, Mick Sheldrick ; la directrice Afrique, Champions de haut niveau pour le climat, Jane Lumumba ; et le directeur Afrique du FMI Abebe Aemro Selassie. Le Palais des Congrès du Sofitel Hôtel Ivoire d’Abidjan, lieu où se déroule cette Assemblée du 9 au 10 octobre, a également servi de cadre pour ledit panel.
Ainsi, le ministre Adama Coulibaly a soutenu, dans son intervention, qu’il faut une révision des critères de perception du risque pays, cause notamment des taux d’intérêts élevés sur la dette des Etats africains. Il a, à ce titre, insisté sur la nécessité d’une réforme avec la mise en place de dispositifs permettant de réduire le coût de la dette.
« Il faut que la réforme puisse être de nature à réduire le coût de la dette des pays. A partir du moment où les ressources domestiques sont insuffisantes, les pays ont besoin pour se développer d’avoir recours à la dette. Mais il faut que cette dette soit contractée dans les meilleures conditions possibles. Donc s’il y a une reforme à faire, c’est de mettre en place des dispositifs qui permettent de réduire le coût de la dette », a-t-il indiqué.
A ce sujet, il a proposé à la Banque mondiale de jouer un rôle de lead pour que des actions soient prises à l’effet de revoir la perception du risque sur le continent et sur les pays en développement en général. « L’écart est très grand entre la perception du risque sur le continent et ce qui se fait en réalité. Cette perception ne reflète pas la réalité du terrain », a jugé le ministre Adama Coulibaly.
Argumentant, il estime que le problème ne se situe pas dans le classement entre pays pauvres et pays riches. Le vrai enjeu de la dette, a-t-il poursuivi, c’est la capacité des pays à pouvoir honorer leurs engagements vis-à-vis des prêteurs et des investisseurs dans les délais convenus. Ainsi, de son point de vue, la solvabilité qui permet l’accès à des ressources et des taux d’intérêt acceptables, doit être le critère valable. « Il s’agit d’assurer sa crédibilité à travers sa solvabilité », a dit le ministre ivoirien des Finances et du Budget.
Des conséquences de la perception risque pays : cas concrets
Il s’est ensuite référé au rapport de la CNUCED publié au mois de juin 2024 pour expliciter son argumentation. Ce rapport montre en effet que les charges de la dette dans les pays en développement s’élèvent à 850 milliards de dollars en intérêt. Ce qui, a-t-il fait remarquer, est énorme car ce montant représente 26% d’accroissement par rapport à ce même niveau en 2021.
Le rapport indique également que les coûts d’emprunt au niveau du continent africain sont assez élevés. En effet, a expliqué le ministre Adama Coulibaly, sur les marchés, certains pays empruntent à 0% et d’autres à 2%. « L’exemple le plus concret est que pour les pays africains qui ont fait des émissions à eurobond, le taux moyen entre 2020 et 2024 est 9,8% de taux d’intérêt, alors que pour les Etats-Unis c’est 2,5% et l’Allemagne c’est 0,8%. Cette comparaison montre qu’il y a un véritable problème. Ce problème est perçu à travers les risques. On considère que les pays en développement comportent des risques beaucoup plus élevés. Ce qui les pénalise en matière de taux d’intérêt », a-t-il précisé.
A ce titre, le ministre ivoirien des Finances et Budget a rappelé que sur une échelle de 1 à 7, la plupart des pays africains sont classés sur le rang 6 ou 7, ce qui veut dire risque assez élevé. Avec des taux aussi élevés, les conditions de financement des Etats africains ou sous-développés ne sont pas idéales. Il a toutefois souligné que des pays comme la Côte d’Ivoire ont pu avoir une baisse de leur risque pays à 5. Couplée aux notations financières des agences internationales, cette baisse au niveau 5 permet à ces pays d’avoir des conditions de financement un peu meilleures.
En somme, a-t-il insisté, la question de risque pays a besoin d’être réglés de façon fondamentale parce que les pays ont besoin d’avoir de grands investissements pour pouvoir se développer. « Aujourd’hui, les besoins d’investissement en infrastructures sont évalués à entre 130 et 160 milliards par an. Comment peut-on financer ces besoins en infrastructures si on doit emprunter à des taux élevés ? », a interrogé le ministre Adama Coulibaly.
Il a enfin tenu à saluer l’IDA pour ses investissements massifs à des conditions concessionnelles partout dans le monde qui visent à faire reculer l’extrême pauvreté.
Notons que le thème de cette 21e campagne de reconstitution des ressources de l'Association Internationale de Développement (IDA-21), organisée par Global Citizen et Bridgewater Associates, est : « Mettre fin à la pauvreté sur une planète viable : avoir un impact avec urgence et ambition ».
SERCOM MFB